Enjeux patrimoniaux                                                                  

22 juillet 2003

SalutPatrick!

Puisque tu as déjà travaillé à Athènes, je vais te faire le rapport que tu m'as demandé sur l'organisation des jeux d'été de 2004. En partant, je dois te dire que c'est un vrai casse-tête pour les organisateurs. Athènes ne leur rend pas la vie facile : c'est ça une ville patrimoniale millénaire. Tous les jours ils se posent la question suivante : comment concilier la conservation du patrimoine et la vie moderne dans un territoire urbain aussi spécial?

D'abord, où construire tous les 17 complexes sportifs et sites olympiques nécessaires pour la tenue des compétitions et l'accueil des athlètes? Et bien, comme tu peux l'imaginer, pas à Athènes! Le territoire est trop densément occupé par l'humain et par le patrimoine pour permettre de construire autant de nouveaux bâtiments aussi imposants. Alors, la majorité des complexes seront en banlieue, à plusieurs kilomètres du centre d'Athènes. Ça va permettre de décongestionner un peu le centre-ville, si c'est possible, mais surtout de ne pas toucher aux patrimoines.

Tu me diras évidemment que ça fait loin à marcher. C'est sur que le transport sera compliqué. Si on veut maximiser l'efficacité des déplacements, il faudra compter sur le transport en commun, du fait que l'auto pollue énormément, que les stationnements sont limités et que les embouteillages sont déjà importants, avant même la venue des Jeux olympiques. Alors, les organisateurs ont mis le paquet. Un nouvel aéroport ultramoderne à Spata, à 25 kilomètres d'Athènes, va faire transiter 50 millions de personnes durant les jeux. L'aéroport sera relié au centre-ville d'Athènes par le métro et par un train de banlieue. En plus, 24 kilomètres de lignes de tramways seront ajoutés. Les réseaux de trains et de métro seront améliorés, ce qui fait qu'on compte transporter plus de 2 millions de personnes par jour. Aussi, 100 kilomètres de voies réservées aux autobus seront mises en service. Des voies piétonnes reliront les sites archéologiques avec les sites culturels et sportifs de la ville. Même les automobilistes seront choyés, car 120 kilomètres de nouvelles autoroutes seront ajoutés et 90 kilomètres seront modernisés.

Tout va bien donc? Non justement, c'est que tous ces projets de construction sont ralentis et même très en retard. C'est que la région d'Athènes, habitée depuis 6 000 ans, est un vrai site archéologique. Chaque pelletée de terre est un mal de tête pour les constructeurs, un paradis pour les archéologues et un travail obligé pour les employés du ministère de la Culture, car la supervision des travaux passe par ce ministère. Celui-ci a pour objectif de conserver tous les patrimoines qui étaient enfouis sous le sol. Alors, tu comprends que les organisateurs des jeux sont très nerveux, car ils veulent que les travaux soient terminés à temps. En plus, toutes ces procédures font augmenter les coûts des travaux. Imagine, on a dû modifier le tracer du métro trois fois pour contourner des sites de fouilles. Mais, que faire avec tous ces témoignages du temps? Les stations de métro sont transformées en musées où on peut voir les sites archéologiques à travers des vitres. On a transféré des sites vers d'autres lieux, comme les universités et les musées. On expose dans les stades et dans l'aéroport. En fait, il y en a tellement qu'on n'a pas pu tout conserver. C'est là le malheur, mais tout ce qui était majeur comme découverte a été conservé. C'est la réalité du temps et de l'argent d'une ville patrimoniale qui veut se transformer en ville olympique en quelques mois, au 21e siècle.

Une autre problématique, et non la moindre, est de savoir où tous ces visiteurs vont dormir? Déjà que les hôtels sont remplis à l'année longue normalement et que, en théorie, il est interdit d'en construire d'autres. Eh bien, au ministère du Développement, il n'y a pas de problème, l'interdiction a été levée. Des hôtels se construisent à Athènes, d'autres sont agrandis et modernisés. Quand on demande au responsable du ministère de savoir à qui sont donnés les nouveaux permis de construction et où les hôtels sont bâtis, on nous répond qu'il est difficile en ce moment de le savoir. Quelle irresponsabilité? Et le patrimoine? Pas de réponse... Tout ce que l'on sait, c'est qu'on veut faire passer le nombre de lits de 60 000 à 70 000. Heureusement, il y a d'autres options. Des bateaux de croisières seront disponibles pour loger des milliers de personnes. Les Athéniens loueront leur maison et accueilleront des touristes. Aussi, 40 000 chalets et maisons de campagne seront disponibles pour la location. Finalement , les campings seront aussi bondés. Donc, pour les bateaux, les maisons, les chalets et les campings, ça ne risque pas de perturber le patrimoine puisque tout est déjà existant.

Tu vois que ce n'est pas de tout repos d'organiser les jeux. Je pourrais te parler d'autres enjeux comme la sécurité, la gestion des déchets, les activités culturelles et la diffusion de l'information aux touristes. Enfin, tu vois à quel point notre patrimoine est venu compliquer la tenue des jeux. Cependant, voilà ce qui donne tout le charme à cette ville : son histoire et son patrimoine.

Allez, je te tiendrai au courant des développements et passe faire un tour avec ta famille si tu as du temps : les gens de l'UNESCO sont sur place pour donner un coup de main.

Ton ami, Constantinos

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